Parents toxiques : comment couper le cordon et se libérer de l’emprise familiale
- Dubarry Virginie
- 16 avr.
- 6 min de lecture
Malgré une vie professionnelle, familiale et amoureuse bien remplie, beaucoup d’adultes ont le sentiment de ne jamais avoir vraiment grandi et d'être enfermés dans une relation déséquilibrée avec leurs parents. Parentification, infantilisation, culpabilité : autant de mécanismes mis en place dès l'enfance qu'il est important de savoir identifier pour reconnaître leur impact. Détecter les liens toxiques est primordial pour s'en libérer et pour vivre enfin sa vie d'adulte.
Cet article explore ces schémas qui restent invisibles tant qu'ils ne sont pas conscients et vous propose, à travers le prisme de trois ouvrages lus pour vous, des clés pour s’en affranchir. Des témoignages, issus de consultations en thérapie, viennent illustrer les situations les plus courantes.

“Je crois que mes parents ne se sont pas rendus compte que j'ai grandi et que je suis devenu un adulte!” (Bastien, 40 ans, en thérapie pour des troubles anxieux)
Loyautés invisibles et impossible autonomie
“À 42 ans, je demande encore à mon père ce qu’il pense avant de prendre une décision importante. Même pour des choses aussi simples que choisir une couleur de peinture pour le salon, ou une destination pour les vacances.” (Jeanne, 35 ans).
"Ma mère m'appelle tous les deux jours, m'interroge sur ma vie sentimentale, m'achète des vêtements qui ne correspondent plus du tout à mes goûts... j'ai beau étouffer et me sentir infantilisé, je ne me vois pas lui demander d'arrêter de jouer son rôle de mère" (Paul, 50 ans)

Certain·es adultes, comme Paul, Jeanne et Bastien, vivent, aiment, travaillent, parfois sont même parents… mais n'ont jamais envisagé de remettre en question la légitimité du rôle de leurs parents dans leurs vies, depuis qu'ils sont devenus adultes. Leurs choix restent influencés — consciemment ou non — par des mécanismes forgés dans l’enfance : besoin de validation, peur de décevoir, culpabilité à poser des limites.
Ce thème est au cœur de trois lectures particulièrement éclairantes :
Couple : la famille en héritage, de Ginevra Uguccioni avec Alix Lefief-Delcourt, qui explore comment les croyances et injonctions familiales s’infiltrent dans le couple.
Vos parents ne sont plus vos parents, de Marie-France et Emmanuel Ballet de Coquereaumont, qui propose un chemin de différenciation et de libération.
L’art de décevoir ses parents, de Michael Bordt, un essai profond sur la légitimité de vivre pour soi.
Le piège des retrouvailles familiales : tous figés dans d'anciens rôles.
Dans Couple : la famille en héritage, Ginevra Uguccioni rappelle que la famille agit souvent comme un système figé. Lors des retrouvailles, chacun reprend inconsciemment le rôle qu’il occupait enfant : l’aîné responsable, le petit dernier chouchouté, la médiatrice, le bouc émissaire…
Même adulte, on peut se retrouver coincé dans une version ancienne de soi, celle que la famille continue d’invoquer — par habitude ou refus de reconnaître l’évolution de l’autre:
“Toi, de toute façon, t’as toujours été comme ça”.
Cet enfermement dans un rôle entraîne lors des retrouvailles une régression psychique parfois difficile, une sensation d’être condamné à être ce que l'on croyait avoir dépassé. Ce fonctionnement empêche également l'évolution des relations, la gestion des conflits de manière équilibrée et la possibilité de changer "les règles de la maison".
Lorsqu'un évènement important arrive (mariage, départ, décès, divorce, naissance...) cette rigidité familiale peut empêcher l'adaptation à une nouvelle distribution des rôles et générer de graves conflits, avec des ruptures irréversibles et des blessures profondes.
Parentification et infantilisation : deux pièges auprès des parents toxiques, les mêmes conséquences dommageables
Dans L’art de décevoir ses parents, Michael Bordt décrit la parentification comme un vol silencieux de l’enfance. L’enfant devient le soutien, le soignant ou le parent du parent, parfois dès ses premières années. C'est en cela que le parent devient toxique, parfois inconsciemment. Il est difficile pour un enfant, même une fois devenu adulte, de considérer la toxicité de la relation avec son parent, quand celui ci était lui même en souffrance. On peut être un parent toxique sans le vouloir ni en avoir conscience.
“Être parentifié, c’est apprendre à s’oublier très tôt. C’est ne plus s’appartenir.”
À l’inverse, l’infantilisation étouffe le développement. Dans Couple : la famille en héritage, on peut lire :
“Certains parents veulent garder leur enfant petit, car le voir grandir les confronterait à leur propre vide.”
Dans les deux cas, l’adulte est empêché d’habiter pleinement sa vie. Il reste pris entre un rôle, une dette symbolique et une peur de blesser. Il a du mal à se sentir légitime lorsqu'il est en désaccord ou en colère. Il lui est difficile de s'affirmer, et il peut arriver qu'il sabote son épanouissement personnel par loyauté envers des parents qui ont souffert.

Dépendance tenace, culpabilités muettes
Dans Vos parents ne sont plus vos parents, les auteurs insistent sur ces injonctions ou loyautés invisibles : ce besoin inconscient de rester fidèle à l’image d’un “bon fils”, d’une “fille parfaite” qui ne déçoit pas.
“Mon père m’a toujours dit que les hommes ‘ne se plaignent pas’ et ‘assument’. Toute ma vie, j’ai fait ce qu’il fallait. J’ai repris l’entreprise familiale, je me suis marié jeune, j’ai eu deux enfants, j’ai acheté une grande maison. Mais je me rends compte aujourd’hui que rien de tout ça ne vient vraiment de moi. J’ai toujours voulu être le fils parfait, ne pas inquiéter mes parents et les rendre fiers pour les récompenser des vies difficiles qu'ils ont eu avant moi. Aujourd'hui je suis victime d'un burn out, j'aimerais tout envoyer balader et tenter autre chose; je suis fatigué de vivre une vie qui n’est pas la mienne.” (Pierre, 45 ans)
“Désobéir à ses parents, c’est parfois leur faire le plus grand honneur : celui de devenir soi.”– Marie-France et Emmanuel Ballet de Coquereaumont
Mais ce “non” est difficile à dire quand il entre en collision frontale avec l’injonction de gratitude absolue : “Tu me dois tout”.
Combien d'enfants adultes sous emprise expliquent en consultation que c'est normal d'être toujours là pour ses parents après tout ce qu'ils ont fait pour eux. C'est une tâche très difficile de leur faire accepter que désormais, ils ont le droit de se distancier, de laisser leurs parents à leur propre vie pour que chacun vive sainement la sienne propre. Rompre avec cette dette imaginaire, c’est pouvoir enfin exister.
Grandir, c’est parfois décevoir… et c’est sain
Michael Bordt parle de la vertu de la déception : celle qui libère, non pour blesser ses parents, mais pour s’autoriser à vivre une vie qui ne leur appartient plus.“Ce n’est pas un manque d’amour que de décevoir ses parents. C’est un acte de maturité.”
Le couple Ballet de Coquereaumont va dans le même sens :“Se séparer psychiquement, c’est reconnaître qu’ils ont fait ce qu’ils ont pu, et que maintenant, c’est à nous de vivre.”
“Je viens d’une famille où on reste ‘très proches’, et ça voulait dire : tout faire ensemble, tout savoir les uns des autres. J’étouffais. Le jour où j’ai arrêté de venir à tous les déjeuners du dimanche, j’ai senti que je les décevais. Mais j’ai aussi découvert un espace de silence où j’ai commencé à m’écouter, moi. J’avais 34 ans, et pour la première fois, j’avais le droit de dire non.” (Greg, 36 ans)
Pour beaucoup, grandir psychiquement passe par un moment de bascule où il devient nécessaire de désobéir, s’opposer, ou décevoir ses parents. Non pas dans une posture de rejet, mais pour sortir d’un rôle qui n’a plus lieu d’être. Cela peut être vécu comme une cassure. Mais parfois, cette "cassure" ouvre aussi un repositionnement plus juste dans le lien. Et certains parents, même s’ils en souffrent, comprennent qu’il s’agit d’un mouvement sain.
“Quand ma fille m’a dit qu’elle voulait déménager loin, je l'ai très mal pris et. j’ai eu cette réaction égoïste : ‘Tu veux fuir ta famille ?’ En réalité, elle voulait juste vivre sa vie, ailleurs. J'ai réalisé en thérapie qu'il était temps de me demander si je l’aimais vraiment, ou si j’aimais le rôle qu’elle jouait près de moi. Aujourd’hui, je sais qu’en s'émancipant, ma fille a eu le courage de choisir de vivre sa propre vie, et m'a obligée à reprendre la mienne autrement.” (Nathalie, 66 ans)

Pour aller plus loin...
Grandir ne veut pas dire rompre. Mais cela signifie oser différer, s’éloigner, poser un cadre, même face à des figures que l’on aime profondément. En se libérant des anciens rôles, en quittant la scène figée de l’enfance, on ne trahit pas. On se retrouve. Et ce faisant, on ouvre la possibilité d’un nouveau lien, plus libre, plus juste, ou d’un deuil à faire, mais enfin assumé.
Si cet article fait écho à votre vécu — si vous vous sentez empêché·e de vivre pleinement votre vie d’adulte, freiné·e par des loyautés invisibles, ou en difficulté dans votre couple à cause de votre histoire familiale, je propose des accompagnements individuels et de couple, centrés sur les dynamiques relationnelles, les enjeux de place, et les processus d’émancipation psychique.
Parfois, il suffit d’un espace sécurisé pour déposer ce qui pèse, prendre du recul, comprendre les nœuds invisibles… et commencer à s’en libérer.
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